Repolarisation précoce

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La repolarisation précoce est une variante de repolarisation ventriculaire caractérisée par un empâtement/crochetage terminal du complexe QRS au niveau du point J.

Elle est fréquente et est considéré comme bénigne mais plusieurs publications en font un terrain où le risque de mort subite serait majoré.

Historique[modifier | modifier le code]

Cet aspect a été décrit dès 1936[1] et a été considéré comme physiologique pendant des décennies. Les premières morts subites suspectes ont été décrites durant les années 1990[2]. La majoration du risque de mort subite est suspectée en 2008[3] et celle de la mortalité cardio-vasculaire en 2009[4].

Épidémiologie[modifier | modifier le code]

Sa prévalence est comprise entre 1[5] et 13 %[6]. Elle est plus fréquente chez l'homme jeune et les Noirs[5] où sa prévalence peut atteindre 24 %[7]. Elle est également plus importante si un membre de la famille à cette variante de repolarisation [8]. Son aspect est majoré lors d'un entraînement sportif intense[9].

Mécanisme[modifier | modifier le code]

Il reste hypothétique, tant pour l'anomalie de l'électrocardiogramme mais aussi pour la susceptibilité qu'elle entraîne vis-à-vis des troubles du rythme ventriculaire.

Une mutation du gène KCNJ8, codant une protéine intervenant dans certains canaux ioniques trans-membranaires, provoquerait une anomalie comparable sur l'électrocardiogramme, avec un risque accru de troubles du rythme[10].

Description[modifier | modifier le code]

Il se manifeste par un sus décalage du segment ST sur l'électrocardiogramme, avec ascension du point J (jonction entre le QRS, onde de dépolarisation des ventricules, et le ST, témoignant de la repolarisation ventriculaire). L'anomalie est plus fréquemment visible sur les dérivations antérieures (V1-V4). Elle serait plus péjorative si elle concerne les dérivations inférieures (D2, D3, VF) ou latérales (D1, VL)[3].

L'intervalle QT est, en règle, normal.

L'aspect électrocardiographique n'est pas constant avec le temps. Il est majoré en période vagale (nuit, après les repas…) et peut disparaître lors d'une stimulation adrénergique comme lors d'un effort[11].

Il n'est pas majoré significativement lors d'un test à l'Ajmaline ou à la flécaïne[11], contrairement au syndrome de Brugada.

Évolution[modifier | modifier le code]

Le risque mortalité cardiaque est augmenté en sa présence[12], surtout chez l'homme d'âge intermédiaire et si l'anomalie concerne les dérivations inférieures[6] ou latérales (D1, VL)[3] Toutefois le risque d’événements arythmiques reste statiquement infinitésimale (11/100 000) [13]. Le degré du sus-décalage serait corrélé avec le risque de mort subite[4]. À noter qu'un seul segment ST sans avoir pris en compte les segment ST des autres dérivations du même secteur peut prêter à confusion quant à la définition de la forme de celui-ci et être vu à tort péjorativement. En effet un des derniers consensus regroupant plusieurs experts indiquant précisément les directions à suivre ainsi qu'une définition plus claire de cette nouvelle forme de repolarisation précoce contrairement à sa première pour aider les recherches scientifiques futures et être coordonnés, indique que la majorité des segments ST ayant la même forme dans un territoire, définissent la forme ST pour les autres dérivations du même territoire restantes étant inférieur en nombres face au autres dérivations de celui ci. Ils ne doivent donc pas être analysé simplement au cas par cas[14].

Une élévation plus rapide du segment ST après le point J (forme la plus fréquente chez le sportif) ne semble, par contre, pas comporter d'augmentation de risque[15]. De même, cet aspect de l'électrocardiogramme ne semble pas péjoratif chez le Noir américain[7].

Prise en charge[modifier | modifier le code]

Même si le risque théorique d'accident cardiaque est majoré, il est extrêmement faible vis-à-vis du nombre de patients porteurs d'une repolarisation précoce et reste discuté[16]. La découverte de ce type d'anomalie chez un patient ne s'étant jamais plaint de rien ne conduit donc pas à une attitude particulière.

Les individus vu par un médecin constatant une repolarisation précoce sur leurs électrocardiogrammes peuvent être orientés vers un centre de références spécialisé pour avis[17] si ils remplissent plusieurs des critères qui servent à distinguer les repolarisations précoces normales et fréquentes de celles dites significatives, atypiques (amplitude onde J >2mm suivis d’un segment ST horizontale ou descendant, antécédent familiaux, cliniques ect.. )[17]. À noter que le risque d’évènements arythmiques même chez un patient avec un aspect significatif de repolarisation précoce reste toutefois extrêmement faible[18],[19],[14]. L'exploration électrophysiologique cardiaque ne permet pas de définir des groupes plus à risques[20].

Chez les patients ayant fait une mort subite récupérée, la pose d'un défibrillateur automatique implantable est proposée. Chez le patient faisant un « orage rythmologique » où se succèdent à intervalles rapprochés des épisodes de fibrillation ventriculaire, la mise sous quinidiniques ou sous isoprotérénol pourrait améliorer les choses[21]. Une ablation par radiofréquence peut être parfois proposée[22].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) Shipley R, Hallaran W, « The four lead electrocardiogram in 200 normal men and women » Am Heart J. 1936;11:325–345
  2. (en) Garg A, Finneran W, Feld GK, « Familial sudden cardiac death associated with a terminal QRS abnormality on surface 12-lead electrocardiogram in the index case » J Cardiovasc Electrophysiol. 1998;9:642–647 PMID 9654231
  3. a b et c (en) Haissaguerre M, Derval N, Sacher F. et al. « Sudden cardiac arrest associated with early repolarization » N Engl J Med. 2008;358:2016–2023 PMID 18463377
  4. a et b (en) Tikkanen JT, Anttonen O, Junttila MJ. et al. « Long-term outcome associated with early repolarization on electrocardiography » N Engl J Med. 2009;361:2529–2537 PMID 19917913
  5. a et b (en) Klatsky AL, Oehm R, Cooper RA. et al. « The early repolarization normal variant electrocardiogram: correlates and consequences » Am. J. Med. 2003;115:171–177
  6. a et b (en) Sinner MF, Reinhard W, Muller M et al. « Association of early repolarization pattern on ECG with risk of cardiac and all-cause mortality: a population-based prospective cohort study (MONICA/KORA) » PLoS Med. 2010;7:e1000314 PMID 20668657
  7. a et b (en) Olson KA, Viera AJ, Soliman EZ. et al. « Long-term prognosis associated with J-point elevation in a large middle-aged biracial cohort: the ARIC study » Eur Heart J. 2011;32:3098–106 PMID 21785106
  8. (en) Noseworthy PA, Tikkanen JT, Porthan K. et al. « The Early Repolarization Pattern in the General Population: Clinical Correlates and Heritability » J Am Coll Cardiol. 2011;57:2284-2289 PMID 21600720
  9. (en) Noseworthy PA, Weiner R, Kim J. et al. « Early repolarization pattern in competitive athletes: Clinical correlates and the effects of exercise training » Circ Arrhythm Electrophysiol. 2011;4:432-440 PMID 21543642
  10. (en) Haissaguerre M, Chatel S, Sacher F. et al. « Ventricular fibrillation with prominent early repolarization associated with a rare variant of KCNJ8/KATP channel » J Cardiovasc Electrophysiol. 2009;20:93–98 PMID 19120683
  11. a et b (en) Benito B, Guasch E, Rivard L, Nattel S, « Clinical and mechanistic issues in early repolarization: Of normal variants and lethal arrhythmia syndromes » J Am Coll Cardiol. 2010;56:1177-1186 PMID 20883924
  12. (en) Wu SH, Lin XX, Cheng YJ, Qiang CC, Zhang J, « Early repolarization pattern and risk for arrhythmia death: A meta-analysis » J Am Coll Cardiol. 2013;61:645-650. PMID 23290543
  13. « Repolarisation précoce », sur Cardiogen (consulté le )
  14. a et b Macfarlane PW, Antzelevitch C, Haissaguerre M et al. The early repolarization pattern: A consensus paper, J Am Coll Cardiol, 2015;66:470-477
  15. (en) Tikkanen JT, Junttila MJ, Anttonen O. et al. « Early Repolarization: Electrocardiographic Phenotypes Associated With Favorable Long-Term Outcome » Circulation 2011;123:2666-2673 PMID 21632493
  16. (en) Uberoi A, Jain NA, Perez M, Weinkopff A. et al. « Early repolarization in an ambulatory clinical population » Circulation 2011;124:2208–2214 PMID 21986288
  17. a et b « Syndrome de repolarisation précoce », sur Cardiogen (consulté le )
  18. Sachet F, Maury F, Probst V, Chevallier P, [chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://www.filiere-cardiogen.fr/wp-content/uploads/2018/06/Consensus-RepoPr%C3%A9coce.pdf Prise en charge du Syndrôme de Repolarisation précoce], 2018
  19. Burri H, Repolarisation précoce : quand s’inquiéter ?, Revue médicale suisse, 2015;464
  20. Mahida S, Derval N, Sacher F et al. Role of electrophysiological studies in predicting risk of ventricular arrhythmia in early repolarization syndrome, J Am Coll Cardiol, 2015;65:151-159.
  21. (en) Nam GB, Kim YH, Antzelevitch C, « Augmentation of J waves and electrical storms in patients with early repolarization » N Engl J Med. 2008;358:2078–2079 PMID 18463391
  22. Nademanee K, Haissaguerre M, Hocini M et al. Mapping and ablation of ventricular fibrillation associated with early repolarization syndrome, Circulation, 2019;140:1477–1490